Dans l'engrenage le 6 avril à Melun - Agrandir l'image

Culture / Interview

Interview : Compagnie Dyptik

Depuis 2012, la compagnie Dyptik puise dans le répertoire des danses traditionnelles et contemporaines pour aborder des sujets qui interrogent notre regard sur la société. Rencontre avec l’un de ses fondateurs, le chorégraphe Mehdi Meghari, avant la représentation de "Dans l’Engrenage", le mercredi 6 avril à Melun.

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Votre compagnie Dyptik est née en 2012. Quels ont été les moteurs qui vous ont conduit à vous lancer ?

Avec Souhail Marchiche, qui l’a créée avec moi, nous dansons ensemble depuis la fin des années 90. Si nous puisons nos racines dans le hip hop, nous nous sommes rapidement tournés vers d’autres influences et des cultures différentes : la danse africaine, celles traditionnelles du Moyen-Orient mais aussi la danse contemporaine, qui permet une écriture centrée sur l’émotion plutôt que sur le seul mouvement. Aujourd’hui, nos créations tournent à l’international. 

Dans l’Engrenage est le deuxième volet d’un travail sur la révolte des peuples. Comment sont nées l’idée et l’envie ?  

Tout a commencé par un voyage au Maroc et en Algérie au moment des printemps arabes. Nous étions également présents lors de la guerre au Mali, en 2012. On a beaucoup discuté avec les gens que l’on rencontrait et on s’est rendu compte d’un même processus politique : un gouvernement met en place un système que les peuples subissent jusqu’à n’en plus pouvoir. Alors, ils se révoltent. On a d’abord réfléchi à une première création, D-construction. Ce spectacle prenait place dans la rue et le public était séparé en deux. Les danseurs, par leurs seuls mouvements, devaient les inciter à se lever pour se rejoindre. Ce travail, qui ne devait être qu’expérimental, fut un véritable succès. Nous avons donné plus de 200 représentations, notamment en Jordanie, en Palestine, en Corée ou au Maroc.

D-Construction (création 2016) / Teaser

Quelles réponses apportez-vous ? 

Une fois qu’un peuple se soulève, quel leader décide-t-il de suivre ? Voici la question que nous abordons ici. On parle de l’omniprésence de l’image et de la communication. L’engrenage est aussi celui de la course effrénée à laquelle chacun est soumis : travailler, produire pour pouvoir payer son loyer ou élever ses enfants, et avec un prix humain qui est toujours plus élevé. A-t-on le choix ou pas ? Notre spectacle n’apporte pas de réponse, mais invite à un questionnement. Évidemment, avec la crise actuelle, cette réflexion, qui interpelle chacun de nous, et pas seulement aujourd’hui, est d’une cruelle actualité. 

Comment l’avez-vous restituée ? 

Nous avons choisi une scénographie assez épurée qui laissent toute leur place aux sept danseurs. Leurs mouvements sont inspirés d’une danse traditionnelle du Moyen-Orient, le dabkeh, majoritairement pratiquée par les hommes, ce qui est assez rare. Les postures sont très fières, le torse est bombé, la tête haute. C’est une chorégraphie circulaire, avec beaucoup d’énergie qui passe de l’un à l’autre, et cela se termine parfois en transe. Ce langage corporel a nourri l’esthétique du spectacle.  

Propos recueillis par Claire Teysserre-Orion (agence TOUTécrit) en 2020.